L’action des forces de l’ordre ces dernières années, voire ces derniers mois, nous a rappelé avec brutalité à la question très simple : mais de quel ordre s’agit-il ?
Et de quelle façon le prétendu désordre sur lequel ces forces s’exercent nous oblige à examiner de plus près les ordres dont nous sommes les forces, à nous pencher sur les désordres nous refusons ou intégrons dans nos vies.
Une certaine idée de l’ordre se laisse lire dans les penchants, les pensées, les incitations aussi puissantesque silencieuses qui nous invitent à privilégier l’ordre au désordre, à considérer le désordre comme néfaste. Face aux désordres pointés du doigt, vécus comme des entorses aux habitudes, aux désordres qui nous inquiètent quand ils nous dépassent et ne se laissent pas enfermer dans des cadres existants, il est aussi des désordres qui nous arrangent quand ils voilent de fl ou ce qu’on préfère ne pas regarder (ou pas tout de suite).Si l’organisation est ce qui permet à un organisme, à un corps, à une structure de se tenir vivant, comment pouvons-nous la croire figée ? Quelle folie nous amène à chercher à la fi ger et à l’enclore, alors même que ce qui s’agite ne se laisse pas enfermer ? Quand le mouvement des Gilets jaunes survient, est- ce cette peur d’un mouvement pas encore enclos de mots qui effraie tant ? L’aspiration si partagée au changement s’efface devant l’inquiétude de ce qui bouge avant d’être nommé.
Dans nos associations, quelle part faisons-nous entre la nécessité d’ordonner – de donner des places, d’écrire des statuts, de fi xer des principes, de choisir des étapes… – et l’impérieuse réalité du mouvement – les vies des unes et des autres, un monde qui change, des environnements qui évoluent, l’histoire des lois, des règles et des réformes – ?
Devant le fantasme de la transparence en toute chose et du désir de tout saisir avec des contours nets, nous voulons redorer le blason du trouble et du translucide qui laissent passer la lumière. Au cœur même de notre action, dans nos espaces associatifs, cherchons-nous à soutenir ce qui est en train de bouger ou regrettons-nous ce qui n’est pas encore figé ?
Réagir